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témoignage

des milliards sont restés sur le carreau. Il n’est pas nécessaire que le plan Young marque le terme de ces réductions. Il peut être considéré comme un progrès seulement en tant qu’il indique le chemin à suivre dans un avenir prochain pour l’ultime et véritable liquidation de la guerre. »

Par là, il faut entendre l’annulation totale des dettes de guerre. Et M. Stresemann fera dans ses « Papiers » l’aveu que « pendant les dix années à venir, le peuple allemand payera environ 7 milliards de moins que ce qu’il aurait dû payer d’après le plan Dawes. Il ajoute triomphalement : « Est-ce que cela n’est rien ? »

Pendant ce temps, l’Allemagne employait ses propres ressources et les crédits anglo-saxons à restaurer son économie industrielle et agricole, à réaliser de vastes programmes d’urbanisme, à rétablir sa marine marchande et aussi, suprême dérision, à reconstituer ses forces armées de terre, de mer et de l’air, cependant que la France, privée des ressources promises, devait accroître sa dette pour pourvoir à la réparation des ruines de la guerre. Outrage à la mémoire de nos morts dont la victoire, si chèrement payée, voyait ses fruits légitimes s’amenuiser chaque jour davantage.

Clemenceau, dans son livre : Grandeurs et misères d’une victoire, précise la situation de sa plume incisive :

« Incroyable événement ! C’est l’Allemagne coupable du plus grand crime européen prémédité, préparé, poursuivi à ciel ouvert, qui se présente vaincue au tribunal de l’Europe et du monde civilisé, non pour rendre des comptes, mais pour en demander. Un mensonge la libère. Un mensonge nous accuse. Et notre culture d’incohérences déchaînées va se présenter pour les procédures de dépeçage qui réduiront le traité de Versailles à l’état d’une procédure de néant. Chaque jour verra l’Allemagne demander, exiger qu’on allège ses charges pour en accabler la France épuisée. »

Au moment où le président Wilson avait placé au premier rang de ses quatorze points l’obligation pour l’Allemagne de prendre à son compte la charge de la réparation des dommages de guerre, tous les peuples avaient trouvé cette exigence naturelle. Personne, même parmi les vaincus, n’eût osé élever la moindre protestation. Puis, plus tard, on avait