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témoignage

follement idéaliste, voulait que la paix sortît du désarmement lui-même. « Ne brandissez pas sans cesse vos armements, cela appelle la guerre. N’ayez à la bouche que le mot paix et la paix gagnera peu à peu toute la terre. »

La plupart des membres de la commission dont les pays ne redoutaient rien de l’avenir étaient naturellement portés à écouter cette voix de sirène, et comme lord Robert jouissait d’un grand et justifié prestige dans les milieux de la Ligue, il faisait ajourner toutes propositions concrètes.

J’avais beau montrer que si l’organisation d’une armée internationale de terre ou de mer présentait des difficultés, il n’en allait pas de même pour la nouvelle arme de l’aviation dont on pressentait les prochains progrès. Si chaque grande nation voulait bien entretenir une certaine force aérienne, rien ne serait plus facile que d’en rassembler les éléments en quelques heures sur le point menacé de l’Europe.

Sans doute, la perspective de voir soudain quelques milliers d’avions dans son ciel était-elle de nature à calmer les ardeurs belliqueuses d’un pays en vouloir de bataille.

Ce raisonnement si simple se heurtait au doux entêtement du représentant de la Grande-Bretagne ; en fait, on ne faisait rien pour la sécurité générale cependant que l’Allemagne armait en silence.

Dans ce domaine comme dans le précédent, les esprits ont bien évolué. La leçon a porté. Il n’y a qu’un cri dans tout l’univers. Cette fois, affirme-t-on de toutes parts, il faut en finir. L’organisation internationale de la sécurité doit être l’une des préoccupations essentielles. Elle comportera un diptyque : d’une part, le désarmement de l’Allemagne et du Japon poussé jusqu’aux extrêmes limites dans les domaines militaire et industriel et surveillé ensuite de très près et, par ailleurs, l’organisation d’une force armée internationale à la disposition de la nouvelle Ligue.

On s’étonne et on s’émeut à la pensée que si la Grande-Bretagne et les États-Unis avaient bien voulu, dans l’entre-deux guerres, consacrer à l’entretien de forces armées le vingtième des dépenses que leur a coûtées la guerre mondiale, elles auraient probablement rendu tout nouveau conflit