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le futur traité de paix

puisque des nationalismes déchaînés, puisque des volontés de revanche subsistaient encore, comment les contenir alors que Genève ne disposait d’aucune force matérielle ?

C’était l’évidence même. Au cours des discussions d’où était sorti le traité de paix, on n’avait pas manqué de l’établir. Léon Bourgeois notamment, l’éminent homme d’État français en qui s’unissait un généreux idéalisme à un réalisme pratique, avait montré la nécessité de mettre à la disposition du Conseil de la Ligue une force armée. Malheureusement son appel ne fut pas entendu. Au vote final sur la proposition, il n’y eut, je crois, que deux voix, celles de la France et de la Tchécoslovaquie.

Dans les années qui suivirent, on ne fit rien pour combler cette lacune, au contraire. En 1923-1924-1925, j’avais, à la demande de Léon Bourgeois toujours préoccupé de cette situation, accepté de remplacer à la commission des Armements de Genève Viviani déjà souffrant. J’avais fait observer au président du Sénat que je n’étais guère qualifié par ma double qualité de Lorrain et de président de la commission de l’Armée pour prendre part aux débats d’une assemblée où il était plus question de réduire que de renforcer les armements : « C’est précisément pour veiller à ce que ces armements soient suffisants pour assurer la sécurité que je vous demande, m’avait dit Léon Bourgeois, de remplir cette mission. »

Je me rendis donc à son appel. Je dois avouer que je revenais désenchanté de chacun de mes séjours à Genève. D’abord le travail y était lent, paperassier ; on remettait sans cesse les questions les plus simples d’une session à l’autre pour supplément d’information ; on eût dit qu’on ne désirait pas aboutir.

Par ailleurs, deux thèses étaient en présence qu’on n’arrivait pas à rapprocher. La France et quelques pays issus du traité de paix encore chancelants, disaient : sans doute il convient de limiter les armements. Le covenant et la raison le demandent. Encore faut-il le faire judicieusement, avec précaution, dans le souci d’assurer d’abord la sécurité.

L’autre thèse habilement présentée par lord Robert Cecil, le plus aimable des collègues, mais aussi, hélas ! le plus