Page:Lebrun - Témoignage, 1945.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
le futur traité de paix

Mais qui sait si, le pacte de garantie ayant été ratifié en 1919 par la Grande-Bretagne et les États-Unis, l’Allemagne, assurée de liguer contre elle les plus grandes nations, eût osé se lancer dans une nouvelle guerre de conquêtes et imposer aux peuples une saignée plus terrible encore qu’en 1914-1918 ?

Sans doute, devant les sacrifices considérables en hommes et en argent que leur impose la guerre présente, les peuples anglo-saxons font-ils un retour vers le passé. Ils se disent que si leurs représentants d’alors avaient été plus clairvoyants, plus compréhensifs, ils auraient évité les maux actuels. En proposant d’installer sur le Rhin une garde militaire interalliée au moins pendant quelques années, la France ne songeait pas à elle seule. Elle entendait mettre en défense le « front de la liberté » suivant une expression qui a eu cours outre-Atlantique. Le monde a payé cher de ne l’avoir pas comprise et suivie.

Encore une erreur à éviter dans l’avenir.

Une autre faiblesse du traité de paix apparut avec la Société des Nations telle qu’elle fut organisée.

C’était sans doute une idée rationnelle, pour asseoir la paix dans le monde, de rapprocher les peuples dans un organisme commun, de les appeler à se réunir chaque année pour s’entretenir des problèmes politiques, sociaux et économiques, et surtout de prévoir une intervention, le cas échéant, en vue de réduire les menaces de conflit apparaissant ici ou là.

De fait, pendant plusieurs années, l’institution genevoise a bien répondu aux vœux de ses fondateurs ; elle a fixé certaines délimitations de frontières demeurées en suspens, elle a secouru dans leurs efforts de relèvement des pays jetés dans la détresse par la guerre, elle a apaisé des conflits en puissance.

Mais pour remplir en toutes occasions sa mission, il lui fallait satisfaire à deux conditions qui lui faisaient défaut : être universelle et jouir d’un pouvoir de contrainte.