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témoignage

possible ; la France et l’Angleterre ne peuvent ni pactiser, ni céder.

« Nous aurions manqué, monsieur le Président, aux plus hauts devoirs de notre charge si, dans la pleine conscience de nos responsabilités, non seulement envers nos pays, mais envers tous les peuples libres ou opprimés dont la cause est solidaire de la nôtre, nous ne représentions pas au chef de la grande démocratie américaine l’extrême péril qui menace aujourd’hui nos deux nations attaquées par un ennemi qui appelle à son aide la barbarie et la traîtrise ; écrasées sous le nombre, nos armées, malgré leur héroïsme, peuvent succomber sans se rendre. Nous vous demandons, monsieur le Président, si les États-Unis peuvent rester insensibles au destin qui menace, avec les peuples alliés, tous ceux dont la cause est solidaire de la leur, si le sort des démocraties européennes peut laisser la démocratie américaine indifférente. Les entreprises de l’impérialisme nazi ne se limiteront pas à celle qu’il poursuit aujourd’hui. Il n’y aura pas de repos pour lui aussi longtemps qu’un peuple libre échappera à l’emprise du totalitarisme païen ; c’est la civilisation chrétienne tout entière, jusque dans ses derniers refuges, qui serait pourchassée et mise en péril par sa victoire.

« Au seuil de la lutte suprême qu’ils mèneront sans défaillance jusqu’au bout, les peuples de France et d’Angleterre s’adressent à vous par notre voix ; ils font confiance à la démocratie américaine et à son chef pour mesurer toute l’ampleur du combat engagé, pour en discerner l’enjeu sacré, pour décider enfin ce que la mission du peuple américain, ses responsabilités envers lui-même et envers la communauté des nations, leur inspirerait d’entreprendre en faveur de ceux qui combattent pour la cause de tous les hommes libres. »

Appel resté sans écho sur l’heure même.

Il était fatal que le peuple américain, orienté par son clairvoyant et courageux président y répondît à un moment donné, vînt comme en 1917 réclamer sa place, et quelle place ! sur les champs de bataille d’Europe et prendre sa part de sacrifices et de gloire dans le grand drame où se débattait à nouveau le monde.