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témoignage

militaire du Rhin ni le pacte de garantie des Anglo-Saxons.

Sans doute eût-il convenu à ce moment que de nouvelles négociations fussent engagées pour asseoir sur d’autres bases la sécurité française. Il n’en fut rien.

Le 3 février 1919, le président Wilson ayant l’honneur exceptionnel de parler à la tribune de la Chambre française des députés, disait :

« L’Amérique paya sa dette de gratitude envers la France en envoyant ses fils combattre sur le sol de France. Elle fit plus. Elle contribua à réunir les forces du monde afin que la France ne sentît plus jamais son isolement, afin que la France sentît que son péril n’était pas un péril solitaire et qu’elle n’aurait plus jamais à se poser la question de savoir qui viendrait à son aide… »

Et voici qu’un an après, le 27 mai 1920, dans un message à la Chambre des Représentants, le même président se voyait contraint de notifier son refus de signer la « joint résolution » relative au traité de paix séparée entre les États-Unis et l’Allemagne : « Je n’ai pas été libre de signer cette « joint résolution » car je ne puis m’obliger à participer à un acte qui jettera une tache ineffaçable sur la noblesse et l’honneur des États-Unis. La résolution cherche à établir la paix avec l’empire allemand, sans exiger du gouvernement allemand aucun moyen de réparer les torts infinis qu’il a causés aux peuples attaqués par lui, peuples dont la défense a été notre but en entrant dans la guerre. »

Drame redoutable que celui auquel se trouvait mêlé le chef d’une grande démocratie. Il était venu faire entendre sa voix en Europe pour tenter d’établir une paix de droit, et il se voyait désavoué après coup par les représentants de son peuple. Drame plus effroyable encore pour la France. Sa victoire si chèrement acquise se voyait dès lors privée de son couronnement légitime ; elle demeurait exposée à tous les aléas de l’avenir ainsi que les événements allaient l’établir.

Je ne pouvais m’empêcher d’évoquer ces tristes souvenirs d’un passé révolu lorsqu’aux jours tragiques de fin mai 1940, au moment où les armées alliées pliaient sous le choc allemand, le gouvernement français adressait au président Roosevelt un suprême appel :