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témoignage

d’une Allemagne trop faible. Ils craignaient aussi les conséquences fâcheuses de la création de nouvelles Alsaces-Lorraines, comme on disait alors.

Ils reconnaissaient à notre pays le droit de pourvoir à sa sécurité après les dangers courus par lui, mais par d’autres moyens.

Au lieu et place de l’occupation militaire du Rhin, les Alliés offrirent à la France un ensemble de mesures qui prirent finalement place dans le traité : désarmement de l’Allemagne, démilitarisation de la Rhénanie et d’une zone de 50 kilomètres au delà du Rhin ; occupation de cette région pendant quinze ans avec retraits successifs et possibilité de réoccupation en cas de non-exécution du traité, enfin pacte de garantie entre la France d’une part, les deux grands pays anglo-saxons d’autre part.

Certes, ces mesures constituaient un ensemble d’apparence cohérente. Mais que de difficultés en perspective dans leur application ! Le désarmement de l’Allemagne était fatalement provisoire, limité au temps où les commissions internationales de contrôle pourraient poursuivre leurs investigations sur place. Un jour viendrait où les usines allemandes reprendraient leurs fabrications plus ou moins camouflées ; rien ne pourrait les arrêter puisque la Société des Nations était sans pouvoir de contrainte.

Qui aurait qualité pour décider de la réoccupation des territoires évacués en cas de non-exécution du traité ? Faire l’union entre les Alliés dans une matière si délicate apparaissait bien difficile.

Enfin que valait la garantie promise ? Ce dont la France avait besoin en cas d’une nouvelle agression, c’était d’un secours immédiat. Or l’Angleterre, supprimant le régime de la conscription à la fin de la guerre, n’aurait été, comme en 1914, capable d’amener une force de quelque importance sur le continent qu’après de longs mois. L’Amérique se fût trouvée à cet égard dans une situation plus défavorable encore.

On le voit, les Alliés n’avaient pas pour la France les égards que lui méritaient sa grande part dans la victoire, ses sacrifices en hommes et la destruction d’une partie de son territoire.