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témoignage

de son corps et parvient à la sauver ; mais sa maison est dévastée et à proximité un homme est mortellement atteint d’un coup de fusil. À l’hôtel Siméon, un domestique a la tête trouée d’une balle. M. P…, coiffeur, reçoit la mort devant sa boutique.

« À 7 heures, c’est une vision d’enfer. Une grande partie de la ville est en flammes ; la fusillade crépite de toutes parts. Les rues sont encombrées de morts et de mourants. M. B…, qui se dévoue pour soigner les blessés, est frappé d’une balle dans l’aine et succombe après de cruelles souffrances. Mme P…, M. V…, les deux frères M…, le jeune R…, âgé de seize ans et auprès de lui un enfant de quatorze ans sont tués. Mme J…, voit sa fille tomber morte à ses côtés, une épaule brisée et la tempe fracassée. D’autres personnes périssent asphyxiées ou carbonisées. Mme C…, qui traverse la voie ferrée sur une passerelle avec ses trois fils est arrêtée par un officier et un soldat. Les deux aînés de ses enfants, Marcel, âgé de dix-huit ans, et Paul, garçon de quinze ans, sont empoignés, conduits à 20 mètres de là et assassinés, en même temps qu’un retraité des chemins de fer, M. B… Paul s’évanouit en se voyant mettre en joue et c’est étendu sur le sol qu’il est exécuté ; son frère tombe en criant : « Vive la France ! » Quant à B…, plus dur à tuer, il ne faut pas moins de quatre balles et d’un coup de sabre pour en finir avec sa vie.

« Mme C… vient de partir avec sa belle-sœur et ses deux fils, l’un de douze ans et l’autre de cinq, pour se rendre à Ville-au-Montois, où elle espère trouver un refuge, quand deux soldats lui barrent le chemin. Elle les implore d’un geste, mais avant qu’elle ait pu dire un mot, ses deux petits sont massacrés. Elle-même est blessée de cinq coups de feu, et sa belle-sœur reçoit une balle dans la cuisse.

« Au hameau de Noërs, qui est entièrement brûlé, Mme S… accouchée de la veille, est obligée de s’enfuir de sa maison en flammes, tandis qu’on fusille son mari, M. D… et M. T…, conseiller municipal, sont abattus en se sauvant. En un seul endroit s’entassent 13 cadavres…

« Toutes ces horreurs devaient être surpassées par un crime plus monstrueux encore et plus traîtreusement accom-