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témoignage

22 août 1914, la ville de Longuyon (arrondissement de Briey) avait particulièrement souffert. Par le fer et par le feu, l’ennemi l’avait réduite à néant et avait assassiné plus de cent de ses habitants. Il se trouva qu’un fonctionnaire des douanes en service dans cette ville fut replié pendant la guerre, à Sète. Il sut intéresser la population de sa résidence temporaire aux malheurs des Longuyonnais. Après les hostilités, Sète apporta une aide substantielle à la reconstruction de sa ville filleule.

Plus tard, le maire de Longuyon me pria de l’accompagner pour remercier la ville marraine de sa générosité. Ensemble nous gagnâmes le port méditerranéen. Nous y fûmes accueillis avec une gentillesse exquise. Dans la soirée, les Sétois se rassemblèrent à l’Hôtel de ville pour y entendre leurs hôtes. Après les présentations d’usage, je pris la parole. Je remerciai mes auditeurs du mieux que je pus de leur générosité qui avait été au cœur de mes compatriotes lorrains. Puis, pour leur montrer que leur geste était bien justifié et que Longuyon avait connu de terribles souffrances, je me mis à lire les quelques pages des procès-verbaux de constatation des crimes de guerre relatives à la ville lorraine. Grande fut ma surprise de voir que j’étais mal écouté. Je constatai chez mes auditeurs des mouvements divers. Je me penchai vers le maire assis à ma droite et lui demandai ce que cela signifiait.

— Tout ce que vous dites est tellement horrible, me répondit-il, qu’ils ne peuvent vous croire.

Ce que voyant, je me rassis quelques instants. Puis me levant à nouveau, je dis d’une voix qui se voulait sévère :

— Oui, je vous comprends, vous ne pouvez vous résoudre à penser que les faits apportés ici sont l’expression de la vérité, si grande est l’horreur qu’ils inspirent ; eh bien ! je vous prie de m’entendre. Tous ces faits ont été relevés par les quatre hauts magistrats chargés de l’enquête ; je les ai moi-même vérifiés par surcroît depuis. Si un reproche peut être adressé à ce récit, c’est de ne pas dire toute la vérité.

Puis je repris ma lecture. Je fus alors écouté dans le plus grand silence. Une sorte d’effroi planait sur cette foule. On