Page:Lebrun - Témoignage, 1945.djvu/183

Cette page a été validée par deux contributeurs.
171
le futur traité de paix

« Non, non, affirmaient ses maréchaux et ses généraux, notre armée n’a pas été battue sur le champ de bataille ; elle n’a dû cesser le combat que devant les rigueurs du blocus et les troubles de l’intérieur, le coup de poignard dans le dos ; elle garde sa gloire et son honneur. »

Ce qui voulait dire, en bon allemand : elle n’attend que l’heure de se reconstituer et de frapper de nouveaux coups pour de nouvelles conquêtes.

En relisant ces jours derniers les Mémoires de Poincaré, j’y relevais les passages suivants :

« M. Haguenin qui est à Berne chargé d’un service de propagande, est d’avis que nous avons saboté la victoire, que l’armistice a été une faute, que l’Allemagne ne se croit pas battue et qu’elle reste très dangereuse. »

« Étienne est désolé que l’armistice ait été précipité et il trouve que les Allemands, n’ayant pas une mentalité de vaincus, resteront redoutables. Il a reçu des lettres d’officiers cantonnés sur le Rhin qui disent que les instituteurs allemands enseignent déjà la revanche. »

« Lebrun, qui revient de Briey, rapporte que les habitants du pays ont tous eu, devant le défilé des Allemands en retraite, l’impression que l’ennemi ne se considérait pas comme battu et que les officiers étaient très arrogants. Le radio-allemand, les impressions de Lebrun, beaucoup d’autres indices montrent que la signature de l’armistice risque de saboter la victoire. Combien il eût mieux valu achever de battre l’ennemi sur le champ de bataille ! »

Le général Nollet dans son livre Une expérience de désarmement écrit :

« Pour l’édification de la nation, il eût été préférable que la guerre se poursuivît quelque temps en territoire allemand, tout au moins que les troupes du front ouest rentrassent en Allemagne sans armes ni drapeaux. »

Les événements survenus depuis la grande guerre ont donné raison à ceux qui avaient jugé prématuré l’armistice du 11 novembre. La capture d’un million au moins d’Allemands en 1918 eût sans doute évité à la France l’humiliation de son million de prisonniers et plus de l’été de 1940.

Première faute à ne pas renouveler.