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le futur traité de paix

incapable de nous offrir même un semblant de résistance. Si donc, le moment venu, les conditions de paix une fois arrêtées, le gouvernement de Berlin faisait simplement mine de les refuser, nous n’avions qu’à donner un signal à nos troupes, à presser sur un bouton. Les armées alliées maîtresses du Rhin et de ses débouchés s’élançaient en avant. En quelques jours elles étaient à Berlin, à Munich, où nous aurions dicté la paix que nous aurions voulue. Les événements ont-ils justifié mes prévisions ? Ils les ont justifiées pleinement. »

Une pareille thèse est très rationnelle. Dans son ensemble, elle est fondée. On comprend que le grand catholique, le Français humain qu’était le maréchal se soit fait scrupule d’envoyer à la mort quelques milliers de soldats de plus, s’il était en situation d’imposer à l’ennemi les conditions indispensables à la sécurité de l’avenir.

Mais, par ailleurs, connaissant le peuple allemand tel qu’il est, sachant qu’il était prêt à tenter de nouvelles agressions après restauration de ses forces, ne convenait-il pas, si on en avait le moyen, de contraindre son armée à une capitulation en rase campagne, de lui ravir toutes ses armes, de la faire prisonnière, ou au moins de la rejeter en désordre dans ses repaires de Germanie, bref de lui imposer à elle et à la nation dont elle était l’émanation le sentiment d’une défaite irrémédiable ?

Sans doute, pour atteindre ce résultat, eût-il fallu poursuivre la guerre quelques semaines ; la liste des morts déjà si longue (plus de 1 400 000 pour la France) se fût étendue encore. Sacrifice supplémentaire, mais sacrifice nécessaire ; l’avenir l’a prouvé.

Les dispositions étaient prises. Alors que les armées alliées, victorieuses sur tout le front, poussaient devant elles l’ennemi en retraite, deux attaques puissantes sur les ailes étaient à la veille de se produire ; l’une à l’ouest, franco-belgo-britannique, partait de la Lys et de l’Escaut aux ordres du roi des Belges assisté du général Degoutte ; l’autre à l’est, confiée aux armées Mangin et Gérard sous les ordres du général de Castelnau devait se développer du sud au nord entre la Moselle et les Vosges, dans la direction de la Sarre.