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le futur traité de paix

évidence pour en éviter le retour au cours des négociations du nouveau traité de paix et dans l’attitude à adopter par les peuples au lendemain de la guerre.

Sans doute, ces investigations ne vont pas sans risques. Elles peuvent faire apparaître les erreurs et les faiblesses de certains hommes d’État, de certains parlements, de certains peuples ; ils n’ont pas su donner leur vrai sens aux événements qui s’accomplissaient sous leurs yeux et prendre à l’heure voulue les décisions de courage qui s’imposaient. Ce sera plus tard le rôle de l’Histoire, dans sa sérénité, de rechercher les responsabilités et de fixer la part de chacun.

Pour l’instant, il s’agit seulement, sans récrimination d’aucune sorte, de mettre en lumière les incompréhensions, les abandons et les renoncements qui ont permis le redressement de l’ennemi vaincu et ont mis le monde dans l’obligation de s’imposer de nouvelles épreuves plus redoutables encore que celles de 1914-1918.

Pour ma part, ministre du Blocus dans le Cabinet Clemenceau et, à ce titre, membre du Comité de guerre préposé à la conduite générale de la guerre, j’ai suivi de près le déroulement des hostilités d’octobre 1917 à novembre 1918 ; ministre des Régions libérées après le 11 novembre, j’ai pris part aux négociations précédant le traité de paix, j’ai dirigé les premiers travaux de la reconstitution des départements dévastés ; enfin, président de la commission de l’Armée du Sénat, président du Conseil d’administration de la Caisse autonome d’amortissement de la dette publique, représentant de la France à la Société des Nations en 1923-24, j’ai été le témoin direct de maints événements des lendemains de la guerre. J’en ai gardé des impressions personnelles qui se sont avivées encore au cours des dernières années. C’est à les exposer que je voudrais consacrer les pages qui suivent.

Pour faire un bon traité de paix, il convient d’abord de bien terminer la guerre. Il ne suffit pas de contraindre l’ennemi à mettre bas les armes, à cesser le combat faute d’effectifs ou de matériel. Il faut aussi le convaincre de sa défaite,