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ma déportation en allemagne

darme, gardèrent en permanence les routes Vizille-Grenoble par Pont-de-Claix, Vizille-Grenoble par la route Napoléon, Vizille-Grenoble par Uriage, Vizille-Bourg-d’Oisans et Vizille-Gap.

Ce fut une grande gêne pour la circulation sans profit apparent. Les voitures étaient arrêtées et contrôlées ; ou notait les noms et qualités des voyageurs. En fait, si cette manœuvre avait pour but de surveiller mes déplacements, elle s’avéra inutile, car je restai quatre mois sans quitter Vizille.

En février, la surveillance se fit plus stricte. Deux ou trois soldats en armes se promenaient sur les routes voisines de ma villa. Ils ne me connaissaient pas d’ailleurs. J’entrais et je sortais à mon gré sans qu’ils y prêtassent la moindre attention.

Dans la première quinzaine d’avril, je m’en fus à Nice aux obsèques d’un parent, haut fonctionnaire retraité du ministère de la Justice. À mon retour, je fus accueilli à la gare de Grenoble par un inspecteur de la police spéciale. Pendant mon absence, le capitaine italien Mascheroni était venu à Vizille pour me voir. Il demandait à être reçu à mon retour pour m’entretenir de questions relatives à ma sécurité.

Le 10 avril, je reçus la visite du colonel chef d’état-major du général Maurizio Lazzaro di Castiglioni, commandant de la division italienne de Grenoble, accompagné d’un officier interprète.

Il me dit que les gouvernements italien et français avaient souci de ma sécurité (toujours le même slogan), et que je veuille bien ne plus quitter à l’avenir ma résidence sans en avertir l’autorité. Je lui fis observer que je n’étais pas dupe de telles attentions ; ma sécurité n’était pas en cause.

— Je ne suis plus rien, disais-je ; pourquoi s’obstiner à s’occuper de moi ?

— Oui, dit le colonel, vous n’êtes plus en fonction officielle, mais votre peuple vous aime toujours (sic).

Que s’était-il passé ? Avant de partir pour Nice tout à fait à l’improviste, puisque j’y étais appelé par télégramme, j’avais téléphoné au préfet des Alpes-Maritimes, ancien collaborateur de Poincaré que je connaissais bien. Je lui demandai