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de paris à bordeaux et à vichy

du pouvoir. Une grande confiance montait vers lui. Elle trouvait un écho dans les paroles prononcées à l’ouverture des séances tenues à Vichy en juillet 1940.

Je voudrais citer aussi à l’appui de cette affirmation parmi d’autres manifestations, les lignes ci-après empruntées au discours prononcé le 3 novembre 1941, à la séance de rentrée d’une de nos universités par l’éminent doyen de la faculté de Médecine :

« Nous sommes vaincus, terrassés, le visage contre terre ; nous ne percevons du jour qu’une vague lueur, et nous prétendrions dicter sa conduite à celui qui, seul, debout, étend sur nos corps et sur nos esprits le bouclier de sa gloire, de sa sagesse, de sa bonté !… suivre le maréchal les yeux fermés, les yeux crevés, dit-on parfois, non, les yeux ouverts, mais plongés dans la nuit, nous accrocher à celui qui seul perçoit la lumière et peut guider notre marche aveugle. »

Si un savant habitué aux méthodes critiques était dans de telles dispositions d’esprit, on devine ce que pouvaient être celles de l’ensemble des citoyens.

Si bien intentionné qu’il fût au moment de sa prise de pouvoir, le maréchal a dû comprendre bientôt que ses espoirs seraient déçus. Comment ce Français patriote, ce chef prestigieux de l’autre guerre a-t-il pu, sans révolte de son être, mettre sa main à Montoire dans celle d’un reître qui avait déjà fait tant de mal à la France et se préparait à lui imposer de nouvelles rigueurs ? Comment a-t-il pu donner son adhésion, même par contrainte, à toutes ces mesures inhumaines qui pendant plusieurs années ont accablé notre pays ?

Il y eut une occasion inespérée où il aurait pu opérer un vigoureux redressement, ce fut quand les armées anglo-américaines débarquèrent en Afrique du Nord.

On se rappelle ce qui advint alors. Les forces d’occupation envahirent la zone dite libre ; elles cherchèrent à s’emparer de la flotte de guerre qui se saborda dans le port de Toulon ; elles dispersèrent l’armée de l’armistice dans des conditions de brutalité dont j’ai recueilli les échos dans les garnisons de Lyon et de Grenoble et que des officiers qui en furent les victimes devront raconter un jour. En présence