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témoignage

bien dit. Si l’on m’avait écouté, rien ne serait arrivé. Moi seul avais vu clair. Mais on n’a pas voulu m’entendre. Et maintenant, il faut pratiquer dans la tristesse de la défaite la politique de collaboration que je préconisais dans la paix (discours du 8 juillet 1940). » C’était une sorte de revanche que lui apportait le destin.

Le président Laval a commis une très grave erreur de jugement. Avant la guerre, il lui était loisible, comme à tout Français, de chercher à orienter la politique étrangère du pays dans les voies qui lui paraissaient les meilleures. Il ne faut d’ailleurs pas laisser dire que la France a opposé une résistance obstinée à un rapprochement avec l’Allemagne, témoin la convention que M. de Ribbentrop est venu signer à Paris le 6 décembre 1938 dans une réception dont on n’a pas perdu le souvenir, mais convention qui, par la mauvaise foi allemande dans l’interprétation du texte, n’a vécu que l’espace d’un matin.

Après la défaite, M. Laval n’avait plus le droit de se placer sur le même terrain et de recommander la collaboration avec un vainqueur qui n’avait aucune considération pour notre pays, qui le pillait, l’opprimait, le contraignait à une existence matérielle et morale qui marquera l’une des époques les plus douloureuses de notre histoire. C’était, de sa part, une véritable trahison.

Faut-il aller plus loin encore dans la recherche des mobiles qui ont inspiré les hommes du gouvernement de Vichy, se demander si avant la guerre ils n’étaient pas entrés en relation avec des partis montant à l’assaut de la République et s’efforçant, par des actions comme celle du 6 février 1934, de mettre bas le régime parlementaire ?

L’Histoire apportera sans doute quelques clartés sur ce point controversé.

Lorsqu’à la mi-juin 1940, le maréchal Pétain accéda au gouvernement, la majorité des Français lui en marqua sa gratitude. Dans le désarroi profond où les avait plongés l’infortune de nos armes, ils lui savaient gré de renoncer à un repos bien gagné pour accepter les charges et les soucis