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de paris à bordeaux et à vichy

lassitude et d’incertitude. Le maréchal se lève et me dit : « Ils auront besoin de moi dans la seconde quinzaine de mai. »

Mot en l’air ou expression pleine de sens ?

Pour ce qui est de M. Laval, on est frappé de la façon dont, dans ses discours à l’Assemblée nationale, il parle « du régime parlementaire condamné par les faits et qui ne peut plus être, de la démocratie qui, ayant perdu le combat, doit disparaître », des termes dans lesquels il propose « d’y substituer un régime nouveau, audacieux, autoritaire, social, national », des éloges qu’il fait « du fascisme qui aurait supprimé l’anarchie en Italie » (qu’a-t-il fait de l’Italie ce même fascisme sinon de la conduire à la défaite et au démembrement ?). Tout cela n’accuse-t-il pas un plan d’une action d’ensemble voulue ?

Dans le livre de M. Rauschning dont j’ai déjà parlé à un chapitre précédent, le futur chancelier développe les principes qui domineront ses activités futures et dont on pourra retrouver la marque tout au long de sa vie politique. Il dit à un moment donné, parlant d’un pays qu’il veut conquérir : « Je serai en relation avec des hommes qui formeront un nouveau gouvernement à ma convenance. De tels hommes, nous en trouverons partout. Nous n’aurons même pas besoin de les acheter. Ils viendront nous trouver d’eux-mêmes poussés par l’ambition, par l’aveuglement, par la discorde partisane ou par l’orgueil. »

S’il fallait choisir parmi ces mobiles celui qui a déterminé le président Laval, on pourrait dire, je crois, que c’est l’orgueil, au sens politique du mot.

Avant la guerre, il avait été partisan d’un rapprochement avec l’Allemagne et l’Italie. On retrouverait dans les procès-verbaux des séances de la commission des Affaires étrangères du Sénat et dans les annales parlementaires maintes interventions de sa part dans ce sens. Malheureusement pour lui, il ne ralliait à sa thèse que quelques suffrages. La France, sans rien faire dont le Reich pût prendre ombrage, entendait rester fidèle aux amitiés qui lui avaient permis de parvenir à la victoire de 1914-18.

Vient la guerre. L’Allemagne est victorieuse. La France est vaincue. Réapparaît M. Laval. Il parle : « Je vous l’avais