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témoignage

la population puisqu’il s’agissait de sa subsistance même, qu’a pu faire le gouvernement ? On n’en est pas bien informé. En tous cas la presse a publié récemment les quantités de matières diverses : bétail, blé, pommes de terre, beurre, fromage, vin, céréales secondaires, légumes, fruits, etc… prélevées en France par l’occupant. Ce sont des chiffres si impressionnants qu’on a peine à les croire vrais.

Le gouvernement se devait d’inviter les autorités médicales à dénoncer devant le monde le traitement inhumain qui ne tendait à rien moins qu’à atteindre dans ses sources de vie un peuple déjà accablé par ailleurs de tant de misères. Loin de là, il mettait ses hauts fonctionnaires : préfets régionaux et locaux, intendants, à la disposition des autorités d’occupation pour le rassemblement des matières réquisitionnées.

Enfin, quand vint l’heure pour l’Allemagne de combler les vides ouverts dans les rangs de la Wehrmacht par de nouveaux combattants empruntés aux usines de guerre, elle fit appel pour remplacer ces derniers à de la main-d’œuvre étrangère. Le gouvernement aurait dû s’opposer à cette mesure contraire au droit des gens, d’autant que les usines du Reich, exposées aux bombardements alliés, étaient un véritable front de guerre et que leurs occupants y étaient exposés à tous les risques du combat. Au lieu de cela, il inventa le service du travail obligatoire, soi-disant pour assurer la relève des prisonniers de guerre, en fait pour contraindre de jeunes Français à partir pour l’Allemagne.

Bref, de quelque côté qu’on tourne les regards, on ne voit partout qu’acceptation, résignation, soumission.

Faut-il aller plus loin dans les hypothèses relatives à l’action de politique intérieure menée par le gouvernement de Vichy et y voir l’exécution d’un plan prémédité, arrêté avant même que les événements en aient permis la réalisation ?

M. de Monzie rapporte dans Ci-devant que, le 30 mars 1940, il reçut à son ministère des Travaux publics le maréchal Pétain de passage à Paris au cours de son ambassade en Espagne. « Nous analysons à petits mots une situation intérieure qui, depuis l’affaire de Finlande, est hypothéquée de