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de paris à bordeaux et à vichy

À quelles causes peut-on faire remonter l’attitude du maréchal Pétain, chef glorieux de l’autre guerre et de M. Laval, ancien président du Conseil ?

La réponse à cette question est particulièrement délicate. Il faudrait, pour y apporter quelque certitude, pénétrer dans la conscience des intéressés et sonder leurs cœurs, ou tout au moins avoir vécu dans leur intimité, avoir été le confident de leur pensée. Ce n’a pas été mon cas.

Le maréchal Pétain et le président Laval ont été, semble-t-il, victimes de deux erreurs, jouets de deux illusions qui ont orienté leur conduite politique : a) ils ont cru à la victoire de l’Allemagne ; b) ils se sont flattés d’apporter une certaine protection au peuple français, le maréchal, par le prestige attaché à ses étoiles, le président, par son attitude politique passée, plutôt favorable au Reich.

La victoire de l’Allemagne ? Le maréchal en a parlé à diverses reprises notamment le 16 juin 1940 quand il raille « ces quelques Français mal instruits des conditions de la lutte qui rêvent de continuer le combat ».

Dès le 8 juillet, à Vichy, M. Laval proclame : « On a dit — c’était la thèse de ceux qui voulaient partir — que la France ne voulait pas s’avouer vaincue. S’il y avait eu la plus petite lueur d’espoir, quel Français aurait pu penser autrement ? » (et pourtant cette petite espérance est bien devenue depuis une puissante et magnifique réalité). Le 20 avril 1942 au moment où il reprend le gouvernail et le 22 juin suivant, le président dit sa croyance dans la victoire de l’Allemagne. Il prononce même cette parole impie : « Je souhaite la victoire de l’Allemagne. » Même propos encore en juillet 1943 : « L’armée allemande ne sera pas battue… Une fois pour toutes, mettez-vous bien cela dans la tête… Tenez pour assuré que les Américains et les Anglais seront finalement rejetés sur les côtes et qu’ils subiront l’échec. »

Si l’Allemagne devait sortir victorieuse de la guerre, il pouvait paraître habile pour la France, pensait-il, de se