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témoignage

avec tant de peine dans des assemblées où se rencontraient des politiques, des juristes, des philosophes, des historiens, des militaires. On chargeait de lui substituer un texte nouveau un homme seul, chargé d’ans et de gloire certes, mais que ses occupations avaient tenu éloigné de la politique.

Aussi bien n’était-il là que comme un drapeau. Les hommes qui avaient pris le pouvoir à son ombre entendaient tenir la plume pour doter la France d’une charte nouvelle.

Quels principes allait-on mettre en œuvre ? Les débats de l’Assemblée avaient jeté quelques lueurs dans ce domaine inédit.

On abandonnait les immortels principes de liberté, d’égalité, de fraternité, éclos aux grandes heures de la Révolution et qui, inscrits dans les plis de nos drapeaux et au fronton de nos monuments publics, avaient inspiré notre vie nationale pendant un siècle et demi et fait de la France la nation guide des libres démocraties.

On proposait de leur substituer une nouvelle formule : « Travail, famille, patrie. »

Vertus cardinales assurément que tout Français digne de ce nom a au fond du cœur et qui doivent sans cesse commander ses actes. Une place, une très large place doit leur être réservée dans la législation du pays. Ce n’est pas en médire d’affirmer qu’elles ne s’inspirent pas de principes d’une envolée assez haute et d’un idéalisme assez puissant pour servir de charpente à une Constitution.

Quant aux projets déjà réalisés, je ne sais rien de précis, n’ayant eu aucun contact ni avec le Conseil national, ni avec ses commissions, ni avec les services ministériels.

J’imagine qu’aucun travail définitif n’a été accompli, et que ce qui a été amorcé est allé se perdre dans les archives de Vichy aujourd’hui sans intérêt. C’est d’ailleurs très bien ainsi. Quelle naïveté de croire qu’on peut donner une Constitution à un pays qui vit sous la botte de l’ennemi, alors que toute liberté de pensée et d’expression est morte et que les citoyens n’ont d’autre alternative que la soumission aux injonctions de l’occupant ou la résistance dans la clandestinité !