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de paris à bordeaux et à vichy

blicaine du régime. Le Journal officiel de la République française est devenu le Journal officiel de l’État français ; le mot de République a été banni des monnaies et des effigies postales. Cependant, c’est bien au « gouvernement de la République » que la loi avait conféré tous pouvoirs ; c’est sous le signe de la « légalité républicaine » que devait se poursuivre la révision de la Constitution, conformément à la loi constitutionnelle de 1884.

Il est certain aussi que, si étendus qu’aient été les pouvoirs conférés au maréchal, ils ne pouvaient empiéter sur le domaine judiciaire. La séparation des pouvoirs reste un des grands principes de notre droit public. C’était déjà beaucoup de réunir dans les mêmes mains le pouvoir exécutif et, pour partie, le pouvoir législatif sous la forme de décrets-lois. Aller au delà, tenter d’y joindre le judiciaire, se reconnaître le droit de créer des tribunaux spéciaux, condamner à des peines graves, sans aucune formalité, des hommes déférés à un tribunal pour les mêmes faits, etc…, autant de pouvoirs que, ni explicitement, ni tacitement, l’Assemblée nationale n’avait conférés.

Mais ici se pose une question qui vient d’ailleurs constamment à l’esprit, quand on se penche sur les manifestations de la vie française au cours de cette triste période. Dans quelle mesure ces diverses initiatives du gouvernement inspirées des principes du nazisme et du fascisme n’étaient-elles pas conseillées, sinon même ordonnées par l’autorité occupante ? Il faut relire la lettre du 29 novembre 1943 dans laquelle le ministre des Affaires étrangères du Reich fait défense au maréchal Pétain au nom du Fuhrer de promulguer l’acte constitutionnel nouveau touchant la désignation du chef de l’État, où également il se plaint en termes sévères que la France suive « un chemin qui s’éloigne de plus en plus de Montoire », où enfin il exige que « désormais toutes les modifications de lois projetées soient soumises à temps à l’approbation du gouvernement du Reich ».

Par ailleurs, quelle tâche était dévolue par la loi au maréchal Pétain et comment l’a-t-il accomplie ? Rien moins que celle de donner à la France une nouvelle Constitution. On jetait bas celle que les constituants de 1875 avaient édifiée