Page:Lebrun - Témoignage, 1945.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
de paris à bordeaux et à vichy

de terreur imposé à l’Alsace et à la Lorraine, que nous laisserons les Allemands voler et piller notre pays réduit ainsi à un régime alimentaire de misère, que nos forces de police s’uniront à celles de la Gestapo pour contraindre notre jeunesse à aller travailler dans les usines de guerre du Reich, » à qui fera-t-on croire que l’Assemblée nationale eût accordé un vote favorable à de telles anticipations ?

Ainsi se résume ce débat. Oui, le gouvernement de Vichy a été constitué régulièrement, une fois admis, bien entendu, le principe de l’armistice. Mais plus tard, par ses agissements il s’est mis en opposition avec la volonté nationale ; dès lors, il prenait figure d’usurpateur.

D’ailleurs, dès le jour où il a été établi que, même résidant en zone non occupée, il ne jouissait en fait d’aucune liberté, que ses décisions étaient à la merci des autorités allemandes, il n’était plus un véritable gouvernement ; tout au plus remplissait-il l’office d’un « gauleiter » à pouvoirs étendus.

b) Qu’a voulu au juste la loi du 10 juillet 1940 ?

D’ordinaire, pour apprécier la portée d’une loi, on se réfère aux travaux préparatoires : débats en commission, discussion en séance publique, rapports, amendements, votes, etc… Ainsi se révèle la volonté du législateur à travers des textes parfois trop concis et peu clairs.

Ici rien de tel. Un rapport très succinct. Puis un long discours à la tribune du président du Conseil, aucune discussion. C’est tout. C’est peu.

Une chose est certaine, la loi a bien voulu l’abrogation de la Constitution de 1875 puisqu’elle a donné mandat d’en promulguer une autre.

Notons au passage ces propos du rapporteur qui prendraient figure d’humour en des circonstances moins tragiques :

« Ce n’est pas sans tristesse que nous dirons adieu à la Constitution de 1875. Elle avait fait de la France un pays libre, un pays où l’on respirait à l’aise, où on se sentait à la fois fort et dispos… On peut se demander même si elle ne meurt pas de n’avoir pas été plus strictement appliquée. »

Comment apprécier un geste qui tend à jeter bas une institution qui mérite un tel éloge ?