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témoignage

a) le gouvernement de Vichy a-t-il une origine vraiment légale ? b) qu’a voulu au juste la loi du 10 juillet 1940 ? c) qu’a fait le gouvernement des pouvoirs qui lui ont été confiés ?

a) On a souvent discuté de la légitimité du gouvernement issu des délibérations de l’Assemblée nationale.

Les uns l’ont considéré comme usurpateur, né des malheurs de la patrie et sans autorité morale pour assurer sa destinée. D’autres ont prétendu qu’il avait reçu très régulièrement le pouvoir des représentants du peuple.

Il est aisé, je crois, de faire la lumière sur ce point longtemps controversé.

Il est bien vrai que dans le déroulement des événements de Vichy les formes ont été observées. Conformément à la Constitution de 1875, les deux Chambres ont été convoquées ; dans des délibérations séparées, elles ont déclaré qu’il y avait lieu de réviser les lois constitutionnelles. Puis, réunies en Assemblée nationale, elles ont voté le projet de loi chargeant le gouvernement de préparer une nouvelle Constitution à soumettre ensuite à l’approbation de la nation. En laissant de côté le point de droit controversé de savoir si l’Assemblée constituante peut déléguer son pouvoir et si elle ne doit pas l’exercer elle-même, il semble bien que toute cette procédure ait été régulière.

Mais ce qu’on peut dire aussi, c’est que par certains actes accomplis ensuite, le gouvernement a trahi les volontés de la majorité de la nation ; il n’en a plus été le représentant fidèle. Comme la nation asservie n’avait pas le moyen d’exprimer librement sa pensée, il y avait entre elle et lui divorce certain, sinon apparent.

Si M. Laval, à la tribune de l’Assemblée nationale, au lieu de vitupérer la politique passée de la France et de s’abandonner à des considérations générales sur les grandes lignes de la future Constitution, avait dit très simplement : « Messieurs, nous vous demandons de nous remettre vos pouvoirs. Mais je dois vous aviser que dès demain paraîtront les Actes constitutionnels dont voici le texte, qu’ensuite nous irons à Montoire poser les principes de la collaboration avec l’ennemi, que nous resterons muets devant le régime