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témoignage

litain a été occupé, enlevant ainsi à ladite convention son avantage apparent de soustraire à l’emprise de l’ennemi une partie du sol national, quand on examine ce déroulement des événements au cours des mois qui ont suivi l’armistice, on peut affirmer que ceux-là n’étaient point si « insensés » qui voulaient prolonger la lutte. Ce n’était pas une politique vaine de désespoir, mais un acte de courage, de raison, de patriotisme. Aussi bien l’organisation des forces françaises libres aux ordres du général de Gaulle apportait-elle une consécration éclatante à cette thèse de la résistance.

Par ailleurs, était-il vraiment possible de changer notre système d’alliances au cours de la guerre, de tourner le dos à nos camarades de combat de naguère pour tendre la main à nos vainqueurs de la veille ?

Pour ma part, je ne pouvais m’y résoudre. J’avais eu l’honneur de présider, aux côtés du roi d’Angleterre, les cérémonies d’inauguration des monuments élevés aux morts de l’autre guerre : morts britanniques à Thiepval, morts canadiens à Vimy, morts australiens et néo-zélandais à Villers-Bretonneux. Adopter une pareille attitude, c’était faire injure aux 800 000 soldats alliés couchés en terre française.

Et ici, je voudrais, à l’occasion du départ éventuel du gouvernement en Afrique, apporter une précision.

Dans un message du 23 mai 1941, au lendemain des conversations de Berchtesgaden avec le chancelier Hitler, l’amiral Darlan, alors président du Conseil, a eu l’audace et l’imprudence de déclarer :

« Notre défaite est due à nos erreurs passées. De 1919 à 1939 nos gouvernements et nos assemblées législatives ont accumulé les erreurs et se sont laissés entraîner à défendre des intérêts qui n’étaient pas les nôtres au détriment des nôtres. À l’intérieur ils ont laissé saboter le moral de la nation ; ils ont légalisé la paresse et le désordre. À l’extérieur, ils ont conduit une politique incohérente… Nous avons perdu la guerre par la faute et par la défaillance de ceux qui nous y avaient entraînés. »

Voilà certes un tableau d’histoire brossé à grands traits, mais où le souci de la vérité n’apparaît guère.