Page:Lebrun - Témoignage, 1945.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
de paris à bordeaux et à vichy

et signée d’un certain nombre de députés : « Au lendemain de la déroute militaire, deux politiques extérieures étaient à nouveau concevables. La politique Reynaud de repli sur l’Angleterre, avec l’espoir que celle-ci, avec ou sans l’aide des États-Unis, parviendrait, non pas certes à reconquérir l’Europe continentale, mais à obtenir, sur le plan naval et aérien, une paix négociée. L’autre politique, celle du maréchal Pétain, impliquant par un dosage de collaboration avec les puissances latines et l’Allemagne elle-même, établissement d’un nouvel ordre continental. Sur ces deux politiques, il était possible de discuter ; partisans de la seconde, nous ne considérons pas ipso facto comme insensés ou traîtres à la patrie les partisans de la première. »

Voilà où on en était venu. Fallait-il que l’esprit public fût tombé bas pour tolérer de telles affirmations ! Faire la grâce de ne pas considérer comme « traîtres » à la patrie ceux qui voulaient continuer à se battre pour tenter de la sauver ! En 1918, plusieurs ont été envoyés à la caponnière qui en avaient moins dit et moins fait.

Certes, à ce moment-là, la discussion était ouverte, comme le dit M. Bergery, entre les partisans des deux thèses. Qui avait raison ? Qui avait tort ? On en pouvait débattre.

Depuis, les événements se sont chargés de départager les uns et les autres ; ceux qui, dans leur superbe, croyaient détenir la vérité, doivent être bien mortifiés. Quand on voit qu’une France nouvelle, indépendante et libre, a pris racine dans cette Afrique du Nord qui n’est autre chose que le prolongement de la métropole par delà le lac méditerranéen, quand on constate que toutes les colonies, sauf notre chère Indochine traîtreusement livrée au Japon, sont rentrées dans la guerre qu’elles mènent vigoureusement, témoins les victoires de Massaouah, de Koufra, de Bir-Hakeim, du Fezzan, de la ligne Mareth et de Tunisie[1], quand on se rappelle qu’une partie de notre magnifique flotte a dû se saborder à Toulon pour échapper à l’ennemi qui allait porter sur elle une main sacrilège contrairement à la convention d’armistice, quand on songe que tout le territoire métropo-

  1. Ces pages ont été rédigées au début de 1943.