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de paris à bordeaux et à vichy

comportait-elle pas dans son paragraphe premier la suspension des lois constitutionnelles, et notamment de l’article 2 de la loi du 25 février 1875 ?

Enfin, dernier détail peu remarqué, mais qui a son importance. Le premier texte du projet était ainsi libellé : « …sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, président du Conseil… ; » le texte sorti des délibérations de l’Assemblée disait : « …sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain… » La suppression de la qualification « président du Conseil » n’emportait-elle pas un sens précis ?

15 juillet. — Départ de grand matin pour Vizille en Isère. Adieux attristés aux divers personnels de l’Elysée, mes fidèles collaborateurs de huit années. Le temps est à l’unisson. La pluie fait rage. Traversée des campagnes françaises. Partout le calme, l’ordre. Rien n’indique la guerre. À Roanne, à Lyon, à Grenoble, vie normale.

Arrivée à Vizille pour y résider désormais non pas, comme l’a dit alors la presse, au château de Lesdiguières, appartenant à l’État, mais dans une propriété privée. Bonheur intense de goûter à nouveau les joies de la famille après l’affreux calvaire des deux derniers mois.

Au cours des discussions répétées qui se poursuivirent au Conseil des ministres pendant cette période, j’ai été avec ceux qui voulaient continuer la lutte.

Je ne pouvais pas accepter cette idée insupportable qu’après quelques semaines seulement la France fût définitivement vaincue.

Certes, ses armes avaient essuyé dans la métropole une défaite que les chefs militaires responsables avouaient irrémédiable. Mais pourquoi ne pas lier son sort à celui de ses alliés décidés à poursuivre la guerre ? Pourquoi ne pas leur faire confiance ?

Or c’est précisément sur une erreur fatale que la question s’est nouée. Le maréchal Pétain et le général Weygand ont cru que l’Angleterre, privée de tout secours extérieur, serait battue après quelques semaines de combat et que la guerre