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témoignage

beaucoup d’autres, bien des actes étaient accomplis sous l’autorité du maréchal sans qu’il y eût pris une part directe.

Je me rappelais aussi une visite qu’il me faisait quelques jours avant la réunion de l’Assemblée nationale. Je l’avais prié de me tenir informé du projet de modification à la Constitution dont la presse commençait à parler et que je ne voulais pas être le dernier à connaître. Il me répondit « qu’il était peu au courant de tout cela et que je devais faire venir M. Laval ; j’aurais par lui tous les éclaircissements voulus ».

On m’a reproché dans certains milieux d’avoir fait cette visite. Certes, j’aurais pu m’en dispenser et marquer mon humeur par un départ précipité. J’ai jugé plus conforme à la vieille politesse française et à mon propre tempérament de rendre la visite que j’avais reçue.

D’ailleurs, les chaudes acclamations dont la population de la ville, groupée devant l’hôtel du Parc, salua mon entrée et ma sortie, me montrèrent que ma démarche recueillait l’approbation populaire.

J’ai toujours considéré que mon effacement était le fait, non d’une invitation du maréchal, mais du vote de la loi.

Par le texte de cette loi, l’Assemblée nationale donne « tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, à l’effet de…, etc. ». Puisque l’une des charges essentielles du président de la République est de signer les lois et les décrets aux fins de leur promulgation, lui enlever cette signature pour la remettre en d’autres mains, n’est-ce pas du même coup le considérer comme n’ayant plus sa place dans les pouvoirs publics ?

D’ailleurs, la démarche qui avait été faite l’avant-veille auprès de moi par trois députés, si intolérable qu’elle fût en elle-même et dans les raisons qui l’inspiraient, n’en était pas moins la marque d’un certain état d’esprit qui régnait dans les milieux parlementaires.

De même encore la proposition, non retenue il est vrai, des sénateurs anciens combattants évoquée ci-dessus ne