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de paris à bordeaux et à vichy

vue de décider la révision des lois constitutionnelles. Il l’accompagne de brèves explications.

Chacun a le sentiment de l’inutilité d’un débat, car on sait par les événements des jours passés que les jeux sont faits. On se sent pris dans une atmosphère lourde, méphitique, qui vous annihile. Moi-même j’éprouve, à présider ce Conseil qui sera le dernier, une tristesse profonde. Un ministre évoque le contre-projet des sénateurs anciens combattants. M. Laval répond qu’il y a satisfait dans toute la mesure possible et on se sépare pour les grandes rencontres des jours suivants.

9 juillet. — La Chambre des députés, à la majorité de 395 votants contre 3 et le Sénat par 229 voix contre 1, adoptent dans leurs séances respectives le projet de résolution tendant à réviser les lois constitutionnelles.

10 juillet. — L’Assemblée nationale se réunit au casino de Vichy, le matin en séance privée en vue d’aborder plus librement le débat de fond, le soir en séance publique.

Une première passe d’armes a lieu à l’occasion du contre-projet des sénateurs anciens combattants. M. Laval arrête le débat en annonçant qu’il a modifié son texte pour donner une certaine satisfaction à l’amendement.

Puis il prononce un long discours qu’on ne peut relire aujourd’hui sans s’étonner qu’il n’ait pas soulevé chez ses auditeurs de vives protestations :

« Je ne crois pas qu’il y ait dans notre histoire de plus grand désastre à enregistrer… Nous n’avons négligé aucune faute, nous les avons toutes commises… On a lancé un défi avec imprudence, avec une criminelle imprudence… De ce grand mal qu’a été la défaite, un grand bien peut sortir pour notre pays. On a dit (c’était la thèse de ceux qui voulaient partir) que la France ne voulait pas s’avouer vaincue. S’il y avait eu la plus petite lueur d’espoir, quel Français aurait pu penser autrement ?… Vous avez compris comme moi qu’on ne pouvait plus se battre, que nous n’avions plus d’armes, que rien n’était possible contre cette formidable machine qui avait été montée par l’Allemagne… Partir ? C’était vouer ce qui restait de la France à l’invasion totale. On ne sauve pas la France en quittant son sol… Puisque