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témoignage

Adversaires et partisans s’étaient affrontés sans résultat. On avait remis la séance au lendemain. Aussitôt les partisans de la mesure s’étaient réunis à nouveau ; ainsi avait été décidé l’envoi d’une délégation.

Je n’ai pas besoin d’affirmer que dès ce moment, j’étais bien résolu à ne pas démissionner. L’Assemblée nationale, disais-je, m’a conféré pour sept ans les pouvoirs dévolus par la Constitution au chef de l’État. Elle peut me les retirer. Si elle doit le faire, qu’elle en prenne la responsabilité. Pour moi, je considère de mon devoir de les exercer jusqu’à leur terme. Je ne déserterai pas mon poste.

Le lendemain, 8 juillet, je reçois la visite de MM. Jeanneney et Herriot. Ils approuvent mon attitude de la veille.

8 juillet. — Une réunion de sénateurs a lieu en vue d’examiner le contre-projet présenté au nom des anciens combattants qui paraît recueillir l’adhésion de plusieurs membres de la Haute Assemblée.

Ce projet suspend jusqu’à la paix l’application des lois constitutionnelles des 24-25 février et 16 juillet 1875. Il donne tous pouvoirs au maréchal Pétain pour prendre par décrets-lois les mesures nécessaires à l’administration du pays. Il lui confie la mission de préparer avec les commissions parlementaires compétentes les institutions nouvelles qui seront soumises à l’acceptation de la nation dès que les circonstances permettront une libre consultation.

On voit les différences profondes qui séparent ce texte de celui du gouvernement. Ce dernier donne au maréchal le pouvoir non pas de préparer, mais de promulguer une nouvelle Constitution, sans prendre aucun conseil ; par ailleurs, il prévoit la ratification du nouveau régime non par la nation mais par les nouvelles assemblées élues.

M. Laval aperçoit le danger que pourrait faire courir à son projet la discussion suscitée par le contre-projet. Dès ce moment il prend le parti de jeter du lest ; il réserve à la nation le droit de ratifier la Constitution préparée par le gouvernement.

Dans la soirée, nouveau Conseil des ministres. M. Laval donne connaissance de l’exposé des motifs du projet de résolution à soumettre le lendemain aux deux Chambres en