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de paris à bordeaux et à vichy

Elle peut dire aujourd’hui, il est vrai, qu’elle n’avait pas tout à fait tort, puisqu’un jour est venu où l’Allemagne, profitant d’un incident où la France n’était pour rien (le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord) a, violant l’armistice, tenté de mettre la main sur la flotte de Toulon.

La France, il est vrai aussi, peut répondre plus victorieusement encore qu’en sabordant leurs navires nos marins ont exécuté l’ordre qui leur avait été donné dès l’origine de ne pas les laisser tomber au pouvoir de quiconque. L’Angleterre connaissait cet ordre dès juin 1940. Elle aurait dû s’en satisfaire et, confiante dans la parole de la France, réprimer un mouvement d’humeur dont les suites dramatiques ont failli brouiller à jamais nos deux pays.

Tout naturellement, la séance du Conseil fut houleuse. Les ministres de la Marine et des Affaires étrangères firent des exposés pleins de fougue. Les mots d’attentat, de trahison, d’assassinat étaient prononcés. Je me demandais quelles résolutions allaient en résulter. Je crus devoir prendre part au débat non certes pour blâmer l’émotion justifiée des membres du gouvernement et que je partageais d’ailleurs, mais pour conseiller le calme et la réflexion. Un grand malheur était arrivé. Fallait-il en ajouter un autre qu’eût constitué un acte de violence de notre part ?

Dans la déclaration qu’il rédigea au sortir du Conseil le ministre des Affaires étrangères annonça la rupture des relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne et conclut en disant :

— À cet acte inconsidéré d’hostilité, le gouvernement français n’a pas répondu par un acte d’hostilité. Il demeura calme, attentif au développement d’une situation qu’il n’a pas voulue, soucieux seulement de défendre, par les moyens qui lui restent et par toute politique qu’il croira devoir adopter, l’honneur et les intérêts de la France

4 juillet. — Conseil des ministres. M. Laval donne connaissance du projet de loi qui sera soumis au vote de l’Assemblée nationale. Un très court échange de vues s’institue. M. Laval, appelé devant une réunion de parlementaires désireux d’être renseignés sur ce qui se prépare, s’excuse de devoir se retirer.