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témoignage

essentiel dans la discussion en cause, l’ordre du jour adressé le 24 juin par le ministre de la Marine aux unités de la flotte :

1o Les navires de guerre démobilisés doivent rester français avec pavillon français, équipage réduit français, séjour port français métropolitain ou colonial ;

2o Précautions secrètes de sabotage doivent être prises pour que ennemi ou étranger s’emparant d’un bâtiment par force ne puisse s’en servir ;

3o Si commission armistice chargée interpréter texte décidait autrement que dans paragraphe premier, au moment exécution de cette décision nouvelle, navires de guerre seraient sans nouvel ordre, soit conduits aux États-Unis, soit sabordés, s’il ne pouvait être fait autrement pour les soustraire à l’ennemi. En aucun cas, ils ne devront être laissés intacts à l’ennemi.

Comment prétendre après cela que le gouvernement français a traité trop légèrement cette question de la flotte de guerre et justifié par avance les mesures de rigueur prises contre elle plus tard par l’Amirauté britannique ?

Aussi bien les ministres anglais des Colonies et de la Marine et l’amiral de la Flotte venus à Bordeaux les 19 et 20 juin avaient-ils reçu du maréchal et des ministres des Affaires étrangères et de la Marine les assurances les plus formelles qu’en aucun cas nos navires ne seraient utilisés par l’Allemagne contre l’Angleterre.

Moi-même, j’avais reçu le 23 de S. M. le roi Georges VI, un télégramme pressant : le roi a appris que la flotte doit être désarmée dans des ports français ou nord-africains ; il craint qu’elle ne soit ainsi sous l’emprise de l’ennemi ; il demande à notre gouvernement de repousser des conditions qui auraient cette conséquence.

J’adresse en réponse le télégramme suivant :

« J’ai reçu avec l’émotion que Votre Majesté peut aisément comprendre le message personnel qu’Elle m’a fait transmettre par Son ambassadeur sir Ronald Campbell. Dans les cruelles circonstances où se trouve mon pays après avoir épuisé les dernières possibilités de résistance militaire à l’invasion dont il a subi le choc presque avec ses