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de paris à bordeaux et à vichy

Quand MM. Reynaud et Mandel rendirent compte du Conseil suprême de Tours du 13 juin au Conseil des ministres réuni à ma résidence de Cangé, ils donnèrent l’impression d’avoir reçu des ministres britanniques un accueil aussi compréhensif que possible. Ceci ressort nettement du compte rendu du Conseil suprême dressé par le secrétaire M. de Margerie.

Je n’ai pas le souvenir précis de l’allusion faite par M. Reynaud à la condition posée pour la flotte de guerre ; mais je puis affirmer qu’elle ne fut pas présentée sous la forme d’un repli obligatoire dans les ports britanniques. On avait le sentiment que l’Angleterre voulait que nos navires ne vinssent pas grossir les forces navales de l’Allemagne — c’était trop naturel — et c’était tout.

Je n’ai pas connu les deux télégrammes remis le 16 juin à M. Reynaud par sir Ronald Campbell, puis repris par lui en raison de la proposition de fusion des deux empires, puis rapportés au secrétaire général des Affaires étrangères après la constitution du Cabinet Pétain ; ils n’ont donc pas été lus en Conseil.

Une chose est certaine. Chaque fois qu’en Conseil a été évoquée cette question de la flotte, avant, pendant et après la signature de la convention d’armistice, l’unanimité s’est faite pour, non seulement ne pas livrer cette flotte à l’Allemagne, ce qui allait de soi, mais aussi pour faire en sorte que, suivant les termes du discours de M. Churchill aux Communes le 4 juillet 1940 « les meilleurs navires de la flotte française ne soient pas employés contre la Grande-Bretagne par l’ennemi commun ».

Mais cette expression prenait un double sens, correspondait à des mesures différentes, suivant qu’on l’envisageait d’un côté ou de l’autre du Canal. Au delà, cela voulait dire repli dans les ports britanniques. En deçà, cela comportait des précautions moins radicales, mais non moins efficientes pour le but à atteindre : désarmement de nos navires dans des ports de la zone libre et consigne de sabordage par leurs équipages dans le cas où l’ennemi essayerait de mettre la main sur eux.

On oublie en effet, encore qu’il constitue un document