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de paris à bordeaux et à vichy

de restauration de la grandeur de la France et de la liberté de son peuple. Les courageux citoyens des autres pays en proie à l’invasion nazie poursuivent inébranlablement la lutte dans les rangs de la liberté. »

Le général de Gaulle, sous-secrétaire d’État à la Guerre en mission à Londres, a refusé de rallier la France malgré les ordres du gouvernement ; il parle à la radio anglaise :

« J’invite tous les militaires français des armées de terre, de mer, et de l’air, j’invite tous les ingénieurs et les ouvriers français spécialistes de l’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui pourraient y parvenir à se réunir à moi. J’invite les chefs, les soldats, les marins, les aviateurs, où qu’ils se trouvent actuellement, à se mettre en rapport avec moi. »

Le maréchal Pétain radiodiffuse une réponse au discours du Premier britannique :

« Le gouvernement et le peuple français ont entendu avec une stupeur attristée les paroles de M. Churchill. Nous comprenons l’angoisse qui les dicte. M. Churchill redoute pour son pays les maux qui accablent le nôtre depuis un mois… M. Churchill est juge des intérêts de son pays ; il ne l’est pas des intérêts du nôtre. Il l’est encore moins de l’honneur français. Notre drapeau est resté sans tache. Notre armée s’est bravement et loyalement battue… Pour le présent, les Français sont certains de montrer plus de grandeur en avouant leur défaite qu’en lui opposant des propos vains et des projets illusoires… »

Toujours la même attitude : aveu d’une défaite que l’on dit irrémédiable, rejet de projets illusoires, c’est-à-dire d’un espoir dans une victoire alliée. On ne veut pas comprendre que, pour avoir perdu une bataille, la France, engagée dans une coalition, n’a pas forcément perdu la guerre.

Un incident à l’occasion de l’entrée de MM. Laval et Marquet dans le Cabinet. Un projet de décret en vue de leur nomination est présenté à ma signature par une personne de la présidence du Conseil. Je me refuse à cette procédure, faisant observer que c’est au chef du gouvernement qu’il appartient de me présenter ses nouveaux collaborateurs. Le lendemain, je signe le décret que m’apporte le maréchal Pétain lui-même.