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témoignage

pour l’amener à une reddition dont il n’est pas encore certain.

On présente à ma signature un projet de décret non daté nommant M. Paul Reynaud ambassadeur de France aux États-Unis. On se réserve de le mettre en application au moment propice.

Je dois dire que cette proposition me surprend. Pour me donner le temps de la réflexion, j’ajourne toute signature. Je rappelle que je ne quitte pas ma résidence et que je suis à la disposition du ministre des Affaires étrangères à toute heure du jour et de la nuit.

En fait je n’étais pas favorable à un éloignement de M. Paul Reynaud. À supposer que des difficultés soulevées à l’occasion de la discussion des conditions d’armistice obligeassent la France à reprendre la voie de la résistance, j’avais l’intention de faire appel à lui pour constituer un nouveau gouvernement.

20 juin. — Accompagné du maire de la cité, je m’incline devant les morts, je visite les blessés. La tristesse et la douleur se peignent sur tous les visages. On ne peut imaginer plus grande détresse que celle qui m’apparaît à la traversée de la ville.

Dans un des hôpitaux, je me trouve devant une jeune femme originaire de mon arrondissement de Briey, blessée ainsi que son enfant. Fuyant sur les routes de Champagne après la destruction de son village, elle est atteinte par des aviateurs allemands mitraillant les populations civiles. Elle est transportée et hospitalisée à Évreux. Lors de l’attaque de cette ville, elle est évacuée sur Bordeaux. À peine installée, elle reçoit de nouveaux éclats de bombes. Quelle effroyable odyssée ! Elle n’était pas la seule dans ce cas.

À 10 heures, Conseil des ministres. On examine à nouveau la question du départ. Les avis sont partagés. Un ministre propose qu’à titre transactionnel on envisage le transfert du gouvernement à Perpignan, loin des lignes allemandes et à proximité de l’Afrique du Nord.

Nouveau discours radiodiffusé du maréchal :

« J’ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités… J’ai été avec vous dans les jours glorieux. Chef du gouvernement, je suis et resterai avec vous dans les jours