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L’ADOLESCENCE EN BRETAGNE

m’être posé en sorte de problème et tâchez de me résoudre. Notez que, avec tout cela, je suis excessivement malheureux. Vous me direz, sans doute, qu’une semblable vie n’est appuyée sur nul raisonnement et que, au bout du compte, ce n’est que paresse incarnée. C’est peut-être vrai.


Il envie la position de son ami : celui-ci souffre aussi, mais sa douleur peut cesser, parce que ses désirs sont réalisables et que l’existence, telle qu’il la veut, est simple et douce. « Vous êtes homme, vous ; moi, je ne suis et je ne serai jamais qu’un enfant, qui causera toujours beaucoup plus d’ennui qu’il n’en éprouvera. » Et comme Rouffet désire se marier, il rétracte délicatement son ancienne profession contre le mariage qu’on a cherché et cherche encore à ridiculiser, mais dont il conçoit parfaitement toutes les jouissances intimes.


Vous êtes plus heureux que moi ; vous persévérez ; votre bonheur à venir sera l’œuvre de votre volonté, tandis que je nai pas de but, pas de persévérance, pas de volonté, pas de pensées fortes, et que mon exaltation passagère s’épanche seulement en quelques mauvais vers.


Décidément, il n’est pas destiné à expérimenter l’amour. À cela pendant ses rêveries il a trouvé, on le voit, un grand nombre de raisons. Mais elles ne sont pas encore suffisantes :


L’amour doit être reconnaissant des louanges charmantes que vous lui adressez ; je vous remercie de l’avis harmonieux que vous me donnez ; mais, hélas ! l’âme qui s’est blasée elle-même ne sent plus comme l’âme