ronces et de pierres, et nos pieds sont nus ; mais, que vous veniez à vous reposer dans notre cœur, pleurs, angoisses, blessures disparaissent ; car vous êtes aux lèvres de l’âme un avant-goût des félicités du ciel. — Ô joies de la libre pensée… à vous le songe de ma vie humaine, à vous le dévouement de mon intelligence bornée, à vous la réalité de mon existence immortelle !
Ainsi, c’est avant tout une méthode d’éducation, une sorte de discipline que l’on doit s’imposer afin de ne pas se laisser amoindrir par les événements de l’existence quotidienne, réaction nécessaire si l’on songe à la facilité avec laquelle la génération des jeunes gens admirateurs de Lamartine acceptait alors, voire recherchait la souffrance constante pour en tirer motif à élégies ; la passivité est trop facile ; et on n’a pas le droit de s’abandonner aux ennuis individuels pour s’autoriser à désespérer de l’humanité[1] ; tout le pessimisme romantique est de lâcheté molle et geignarde ; pour acquérir plus de grandeur, de la résistance, en un mot de la virilité, pour participer plus mâlement à la société, il faut savoir s’élever au-dessus des accidents mesquins de l’existence. Il faut oublier la terre parce que l’on sait fort bien qu’on ne peut cesser d’être un homme de la terre à quelque hauteur et à quelque intensité d’abstraction qu’on atteigne dans l’élan de son rêve. On ne doit pas craindre de s’élever, de s’abstraire, car c’est toujours à l’amour
- ↑ M. Brunetière a écrit à propos de L. de Lisle : « Nous sommes » hommes avant d’être nous-mêmes, et le poète n’a le droit de rien exprimer dans ses vers qui lui soit proprement et absolument unique. »