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LECONTE DE LISLE

Donne-nous le repos, le dernier, il est temps[1] !


Mais le respect d’une mère, de la mère, personnification de la vie en ce qu’elle réserve de plus profondément généreux, « du dévouement sans borne, tendre et doux mystère », le rappelle au devoir de vivre.

D’ailleurs, joie, force, idéal, on peut, on doit les trouver dans la vie. À ce Rouffet trop sentimental qui se laisse à toute occasion consterner par des ennuis ambiants, il conseille d’« oublier », de s’exalter en un grand rêve planant qui maintient au-dessus du monde, dans une lumière calme et éthérée, une âme jeune qui doit se dérober aux ombres trop précoces de la vie.

Ô joies de la libre pensée, longs et doux rêves que nulle ombre n’obscurcit, ravissements inaltérables, oublis de la terre, apparitions du ciel, que sont près de vous le bien-être matériel de la considération des hommes ? Ivresses intelligentes, que sont près de vous leurs grossiers bonheurs ? — Ils vous traitent d’inutilités, les insensés ! Et cette injure qu’ils vous jettent d’en bas devient leur propre châtiment, car elle donne la mesure de leur âme. Présents divins, parfums consolateurs, qu’importe à la pensée que vous avez choisie le blasphème de la foule ? Vous l’emporterez trop haut pour qu’ils parviennent jusqu’à elle. Ô rayon de la poésie, vous brûlez parfois ; mais la souffrance que vous causez n’a rien de commun avec la douleur terrestre. Vous blessez et guérissez tout ensemble… — Nous suivons une vie de pleurs et d’angoisses amères ; le sol est couvert de

  1. Se rappeler ces vers pour bien s’expliquer le célèbre

    Versez-nous le repos que la vie a troublé.