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L’ADOLESCENCE EN BRETAGNE

d’en voir au Cap ; à Dinan il en connaît plus intimement ; ce jeune lecteur passionné de Walter Scott est prédestiné à la beauté « idéale » des jeunes filles anglaises qui mieux qu’une française incarnent au créole du Sud le mystère et la suavité féminine : leur type esthétique lui est le plus attirant[1], par son constant désir de se compléter, par ce goût d’intégralité qui ne lui fait trouver de jouissance supérieure, en ses sentiments comme en son œuvre, qu’à réaliser « la synthèse » des éléments les plus divers de la terre. Comme il a lu Milton, tout naturellement la jeune fille anglaise lui est une vision du Paradis Perdu :


Mon ami, je vis là la femme la plus gracieuse, la plus noble que mon œil ait jamais contemplée… La physionomie était empreinte d’une si inexprimable beauté, de tant de charme et de candeur qu’il était impossible, à moins d’être de fer, de ne pas lui dire, en ployant le genoux :


Douce création, dont la grâce divine
Suffit pour consoler des humaines douleurs,
Dont l’âme, rappelant sa céleste origine.
Se penche avec bonté sur nos âmes en pleurs.
Ô femmes, pardonnez si vos intimes fleurs
Ont d’un charme profond inondé ma poitrine[2].


Elle a nom Carolina Beamish. Comme tout créole il aime les bals, s’amouracher des jeunes filles découvertes aux soirées, aller leur faire visiter dans leur famille sous des déguisements en des « par-

  1. Cf. Épiphanie, Christine, etc., les héroïnes des nouvelles de 1846-48.
  2. Fragment extrait des documents publiés par B. Guinaudeau.