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LECONTE DE LISLE

Il déplore même l’indigne comédie qu’il est obligé de jouer et se plaint de ne pouvoir agir ouvertement. Témoins ces beaux vers :


Oh ! sans doute qu’au temps des antiques vertus
Ce n’était pas ainsi que conspirait Brutus,
Et c’était au grand jour que son poignard stoïque
Vengeait en plein Sénat la sainte République !


Cependant il doit préparer à Dinan le baccalauréat dont on subit les épreuves à Rennes ; mais il voyage : en février il est à Lorient, près de son ami Rouffet ; ils passent ensemble de longues soirées d’hiver où ils composent des poèmes entiers, les vers de l’un alternant avec ceux de l’autre. En mars il rentre à Dinan. Là, par son oncle qui est rédacteur du Dinanais et éditeur du nouvel Annuaire, il s’est trouvé immédiatement en relations avec des journalistes et des hommes de lettres de province. Et tous savent — ne serait-ce que par l’indiscrétion du jeune Robiou de la Tréhonnais, qui est venu dans sa chambre et a emporté ses vers — que le neveu de M. Louis Leconte, qui arrive des îles et prépare son baccalauréat, est un poète d’avenir. « Félicitez-moi, mon ami, écrit Charles à Rouffet. On me propose bien de faire paraître dans l’Annuaire de cette année (1838) plusieurs pièces de vers, avec l’assurance d’y écrire, si je voulais, plus tard. Félicitez-moi, dis-je, car, soit orgueil, soit modestie, comme vous voudrez, j’ai refusé net. » Mais l’oncle dut insister ; une pièce parut, non signée, qui avait pour titre : Indécision.