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LE VOYAGE

d’hyacinthes et sacrifiant à lacchos, le dieu vermeil ; à moins d’être ascète et de mourir au désert, dévoré par la flamme de l’idéal… Car étant intégral, nous enveloppons ce qui fut, ce qui est et ce qui sera dans la synthèse ultérieure. Or, Édith et Georges se regardaient et souriaient doucement dans la plénitude de leurs cœurs et dans la certitude de leur prochain bonheur.


L’adolescent, dans la jalousie de rester maître de soi-même, qui n’est que la forme que la pudeur prend chez les plus virils, se garde des faiblesses de l’amour qui n’envisage plus qu’une femme sur la terre. C’est en ce sens qu’il écrit :


La femme, si inférieure à l’homme (à lui-même) en ce sens, a l’invincible besoin d’un échange d’affections humaines ; la terre est vide si l’être vivant en disparaît ; elle ne voit le monde extérieur qu’à travers son amour, et la solitude lui pèse comme un néant… Édith était femme par excellence, ce qui expliquera pourquoi elle ne se réfugiait pas dans l’admiration de la forte et belle nature qui l’entourait… Ses yeux s’alanguissaient, ses joues se revêtaient d’une blancheur mate.


Mais l’amour, dans lequel la femme présente le miroir de toute la création, est ce qu’il y a de sublime dans la vie. Servant à faire mieux sentir la nature, il est supérieur à toute émotion passagère ; tenant en puissance le souvenir, il est la force qui conserve et prolonge l’être en reliant son passé au présent.


Ici nous supplions le lecteur de nous pardonner les quelques lignes suivantes ; elles sont lyriques, mais elles brûlent de s’échapper de notre plume :

— Ô première larme de l’amour, comme une perle limpide Dieu te dépose au matin sur la jeunesse en fleur !