tion de voyage, est, en effet, la même « plage aride aux odeurs insalubres, lavée d’un nuage écumeux » dont le poète montrera plus tard la sépulcrale désolation, dans les Hurleurs !
Vaguement énamouré par la musique
septentrionale que lui jouait au sud du continent africain sa
gracieuse hôtesse de quelques jours, il ne prêta
probablement qu’une attention distraite à ces cris
lamentables que sur la côte les chiens poussaient à
la lune. Sa jeunesse confiante n’enregistrait point
encore avidement les impressions de tristesse
lugubre. Plus tard seulement, « du fond de son
passé confus », jailliront brusquement ces clameurs
sauvages dont l’écho dormait, étouffé aux jours
de douceur, pour se réveiller aux heures de
désespérance et angoisser son cœur, et il écrira
les Hurleurs. Pour le moment il est à l’âge où l’on
incarne en une jeune fille l’attrait cosmopolite et
la séduction créole du pays.
Au Cap de Bonne-Espérance, le 3 avril 1837.
Anna, jeune Africaine aux deux lèvres de rose,
À la bouche de miel, au langage si doux.
Tes regards enivrans où la candeur repose
Accordent le bonheur quand ils passent sur nous.
Anna, quand ta main blanche au piano sonore
Harmonise, en jouant, tes purs et frais accents.
Nos cœurs muets d’ivresse et forcés par tes chants
Écoutent… Tu te tais, ils écoutent encore !
De ton front rose et blanc, Anna, tes bruns cheveux
En anneaux arrondis, en soyeuse auréole,
Tombent si mollement sur les contours neigeux
De ton cou qui se fond à ta mouvante épaule.