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L’ENFANCE DANS L’ÎLE

Tu tournes, belle et vaporeuse,
Un bras soutient ton corps charmant,
Presse ta taille gracieuse,
Tandis qu’une bouche amoureuse
Respire ton souffle enivrant…
Et les moments coulent et mènent
Et les danses et les amours[1].


S’agit-il d’une autre ou de cette demoiselle de Lanux, dont le souvenir traînera sur toute sa vie comme une écharpe odorante d’un de ces « parfums impérissables » des îles, mêlé de santal et d’herbes du pays aux fragrances de miel. C’est celle dont il bercera plus tard l’image voluptueuse aux strophes suspendues du Manchy, ne se rappelant plus que sa beauté de houri insulindienne et l’exaltation de sa propre joie. Dans la première nouvelle qu’il ait écrite, Mon premier amour en prose, il raconte plus exactement, avec le souvenir tout vif encore d’une amertume sitôt transmuée en ironie, de quelle façon il la rencontra, l’aima, puis lui déclara sa désillusion. Ces lignes enjouées trahissent, avec une franchise colorée d’autant de chaleur que de pudeur, la brusquerie exquise de ses sentiments,

  1. De même, le Souvenir.
    Jamais des yeux plus beaux n’embrasèrent mon âme ;
    Jamais bouche d’amour ne me dit le bonheur

    En aussi longs baisers de flamme !
    Jamais d’un front plus blanc, plus doux et blonds cheveux
    En contours gracieux, en soyeuse auréole,
    Ne tombèrent ainsi sur un cou plus neigeux,
    Et sur une plus rose épaule.

    Jamais bras plus charmant appuyé sur le mien,
    Jamais plus tendre main, jamais main plus aimée.
    Ne se plaça, folâtre, à ma lèvre, à mon sein !
    À ma tête trop enivrée !……