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se développe plus rapidement, envahit la savane tout entière, et, semblable à une marée flamboyante, franchit d’un bond la rivière de Saint-Paul, resplendit sur les toits peints de la ville et ruisselle bientôt sur toute l’île, au moment où le soleil s’élance glorieusement au delà des cimes les plus élevées dans l’azur foncé du ciel. C’est un spectacle sublime qu’il m’a été donné d’admirer bien souvent…[1].


Nox et les Hurleurs, où la lune « oscille comme une morne lampe », ont ici leur origine :


Marcie, accoudée sur le rebord de sa fenêtre, contemplait avec une joie profonde et mélancolique cette belle terre natale où avait fleuri sa jeunesse à l’ombre de l’amour paternel… La lune, qui se levait large et éclatante au-dessus de la chaîne du Bénard, paraissait suspendue comme une lampe gigantesque à la voûte sombre du ciel. De grands nuages noirs flottaient çà et là et quelques éclairs d’orage commençaient de luire dans leur masse épaisse[2].


Il reste à conclure de ces rapprochements que, dans le cœur et l’esprit de cet homme qui proclama l’éphémérité, la mobilité, réternelle transformation de tout, les premières visions ne se brouillèrent passons l’impression des autres selon l’ordinaire. Elles restèrent fixées en sa mémoire, dans un relief d’éternité. Le cœur gardait l’image ineffaçable des choses dont l’esprit proclamait l’incessante métamorphose, la continuelle altération. La prose ignorée des débuts renferme les mêmes détails, les mêmes images, les mêmes épithètes et souvent les

  1. Sacatove.
  2. Marcie.