Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

siblement et se brisait autrefois contre la montagne elle-même. C’est sur les langues de terre qu’elle a quittées qu’ont été bâtis les villes et les quartiers. Il n’en est pas de même de Maurice qui, sauf quelques pics comparativement peu élevés, est basse et aplanie. On n’y trouve point les longues ravines qui fendent Bourbon des forêts à la mer, dans une profondeur effrayante de mille pieds et qui, dans la saison des pluies, roulent avec un bruit immense d’irrésistibles torrents et des masses de rochers dont le poids est incalculable[1]. La végétation de Bourbon est aussi plus vigoureuse et plus active, l’aspect général plus grandiose et plus sévère. Le volcan, dont l’éruption est continue, se trouve vers le sud au milieu des mornes désolés que les noirs appellent le pays brûlé[2].


Une autre impression d’ensemble, cette fois toute poétique, adoration édénique de Bourbon, fait immédiatement songer au Frais matin dorait : une jeune fille, le long d’une promenade, vante à son fiancé l’île où ils s’aiment :


« Voyez, mon cousin, dit Marcie avec admiration, comme notre pays est beau ! N’est-ce pas un paradis ? Vous pouvez dormir sur l’herbe sans craindre les serpents et les animaux féroces de l’Inde ; elle ne nous a donné que ses oiseaux qui sont les plus richement vêtus du monde. Ah ! c’est ici qu’il faut vivre et mourir, sous l’œil de Dieu, entre ceux qu’on aime, en face de la nature éternelle[3] !


Quant au Bernica (1862), où « la liane suspend

  1. Cf. la fin de son article sur Hugo (Derniers poèmes, pp. 336-7.
  2. Sacatove.
  3. Cf. la fin de Si l’aurore.