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nardin de Saint-Pierre appelait modestement une pastorale. Pastorale immortelle à coup sûr, où l’exactitude du paysage et des costumes créoles ne le cède qu’au charme indicible qui s’en exhale. Les quelques lignes qui suivent n’ont aucun rapport, quant au fond, avec l’histoire touchante des deux jeunes Mauriciens. La scène se passe cette fois à Bourbon et l’époque n’est plus la même. Cependant le voisinage des deux îles, que 35 lieues séparent à peine, amènera entre le poème de Bernardin et ce récit de la mort romanesque d’un noir célèbre par son adresse, son courage et son originalité, quelques analogies nécessaires de description, sauf les différences du sol, différences souvent essentielles, comme on peut juger.

L’île Bourbon est plus grande et plus élevée que l’île Maurice. Ses cimes extrêmes sont de 1.700 à 1.800 toises au-dessus du niveau de la mer[1], et les hauteurs environnantes sont encore couvertes de forêts vierges où le pied de l’homme a bien rarement pénétré. L’île est comme un cône immense dont la base est entourée de villes et d’établissements plus ou moins considérables. On en compte à peu près 14, tous baptisés de noms de saints et de saintes, selon la pieuse coutume des premiers colons. Quelques autres parties de la côte et de la montagne portent aussi certaines dénominations étranges aux oreilles européennes, mais qu’elles aiment à la folie : l’Étang salé, les Trois-Bassins, le Boucan-Canot, l’îlette aux Martins, la Ravine à malheur, le Bassin bleu, la plaine des Cafres, etc. Il est rare de rencontrer entre la montagne et la mer une largeur de plus de deux lieues, si ce n’est à la savane des Galets, et du côté de la rivière Saint-Jean, l’une sous le vent et l’autre au vent de

l’île. Au dire d’anciens créoles, la mer se retirerait insen-

  1. 3 065 mètres.