Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est à remarquer que toutes les descriptions de paysages que l’on trouve dans son œuvre, à part celles imaginées autour de personnages historiques, sont de la nature créole qui charma son enfance : la nature européenne, particulièrement française, au milieu de laquelle s’écoula la moitié la plus réfléchie de son existence, est presque totalement absente de son œuvre.

À côté de l’histoire du sentiment qui le lia comme une liane à son pays natal, il peut être intéressant de tenter maintenant celle de la mémoire visuelle qu’il garda des sites créoles. Nous nous appuierons ici sur les nouvelles données à la Démocratie pacifique vers 1846 et qui semblent avoir été composées à Bourbon aux environs de 1845. Comme elles sont le plus souvent descriptives, il est permis de chercher quelles différences ofl’rent les paysages créoles qu’on y rencontre, datés de 1845, avec ceux qu’illustrèrent la trilogie des Poèmes composés à partir de 1852. Voici d’abord une topographie de l’île Bourbon ; elle semble être particulièrement savoureuse à cause de la dualité qu’elle présente : le poète chante ; le géographe dresse une carte nettement scientifique, randis que la plume poursuit le tracé des monts et des fleuves, le pinceau colore de bleu les eaux, teint de vert les forêts :


Il n’appartient qu’aux œuvres vraiment belles de donner lieu aux imitations heureuses ou maladroites. Ce sont autant d’hommages indirects rendus au génie et qui n’ont pas fait défaut au plus gracieux comme au plus émouvant des poèmes, Paul et Virginie, que Ber-