humide de larmes non cachées, dramatisée de romantiques attitudes. Elles aident encore à reconstituer le milieu en lequel préluda sa vie. Ce n’était pas toujours cet entourage de commerçants et de cultivateurs dont la sécheresse, toute présumée d’ailleurs, fit dire à un psychologue de Leconte de Lisle qu’il s’y sentait dépaysé et en souffrait. C’était une ville où se déposait et sur laquelle flottait la brume impalpable d’une âme très sentimentale. Cette sentimentalité stagnante s’était accrue du débit lent et secret de multiples sources.
Saint-Paul avait chatoyé d’un passé d’activité opulente et pittoresque, aux périodes d’initiale et solide colonisation bourbonnaise. Les émigrants de France y avaient débarqué et s’y étaient généralement fixés. Aux ombres denses des tièdes vergers s’étaient élevées les maisons de grandes familles françaises bâties dans le style du XVIIIe siècle par des ouvriers de l’Inde ; dans l’ampleur de la rade molle et franche, on avait accoutumé de voir paraître des carènes gonflées et hautes du Courrier de France, les bricks versicolores de Portugal et de Hollande, ou les noires et agiles flottilles des pathétiques forbans. Les voiliers de France et d’Europe jetaient l’ancre et les équipages y atterrissaient : les souvenirs de la patrie septentrionale se ravivaient aux songeries des exilés tropicaux ; il y avait, aux varangues ou aux salons des planteurs hospitaliers, aux ponts des hauts vaisseaux ou aux débarcadères mouvementés, trafic de nouvelles comme trafic de marchandises, épices, esclaves, étoffes ou livres..... À Saint-Paul, les grands