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pour le regret, il est si empli de son pays qu’il n’a pas besoin de s’en souvenir. Et c’est l’énergie prise au calme des solitudes tropicales qu’il apporta dans la lutte sociale. Mais en 1849, dans les heures de découragement qui succèdent au grand enthousiasme communiste, se sentant maintenant comme exilé dans une France qui n’était pas celle que s’était promise son idéal combatif, il rêve de s’en retourner au pays : y vivre simplement, y trouver la solitude et y retrouver la nature, avoir pour case le boucan du Cafre ! Il n’en plaisante que superficiellement, tandis qu’il propose à l’ami Louis Ménard de l’accompagner. Les Poèmes antiques paraissent en 1852 : comme il lui avait consacré plusieurs nouvelles, deux pièces seulement en sont inspirées par Bourbon : la Fontaine aux lianes, sorte de nouvelle en vers dans le genre de la Rivière des Songes s’ouvrant par une description reine de nature, d’une extase dans l’évocation si profonde que les cris de la personnalité lui échappent :


Ô bois natals ! j’errais sous vos larges ramures !…
Et je songeais


Nox, tableau de la nuit tombant du ciel sur l’île et sur la mer, rêverie close par un élan reconnaissant de l’âme pour qui lui enseigna l’apaisement de ses maux :


Ô mers, ô bois sondeurs, voix pieuses du monde,
Vous m’avez répondu durant mes jours mauvais,
Vous avez apaisé ma tristesse inféconde,
El dans mon cœur aussi vous chantez à jamais !