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pays furent précisément celles de l’adolescence naïve et studieuse, et de la virilité laborieuse, inquiète et méditative.

Est-il créole d’esprit ? Il faut bien se garder de concevoir le créole selon le préjugé, que mit en cours la poésie légère et lascive de Parny, de nonchalance, de mollesse, de frivolité, qualités où se reconnut volontiers le XVIIIe siècle, — préjugé qui fut aussi entretenu par les belles créoles riches interrogées sur leur pays et leurs compatriotes, et dû à la fausse image que l’on se faisait du climat, de la nature, des mœurs de ce pays qu’on plaçait plus près de l’Asie que de l’Afrique (à cause de la dénomination trop générale d’Indes), préjugé que Sand accueillit comme Hugo, comme Augier, Goncourt et Daudet.

Baudelaire écrit :


Je me suis souvent demandé, sans pouvoir me répondre, pourquoi les créoles n’apportaient, en général, dans les travaux littéraires, aucune originalité, aucune force de conception ou d’expression. On dirait des âmes de femmes, faites uniquement pour contempler et pour jouir… De la langueur, de la gentillesse, une faculté naturelle d’imitation qu’ils partagent, d’ailleurs, avec les nègres, et qui donne presque toujours à un poète créole, quelle que soit sa distinction, un certain air provincial, voilà ce que nous avons pu observer généralement dans les meilleurs d’entre eux[1]. M. Leconte de Lisle est la première et l’unique exception que j’aie rencontrée. En

  1. C’est une habitude de Baudelaire de généraliser, mais il songeait exclusivement à Lacaussade.