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L’ENFANCE DANS L’ÎLE

pas très éloignée de la vérité, et à l’influence du conteur écossais, peut-être faut-il même ajouter celle, plus lointaine, d’un écrivain... qui aussi était lié à la Réunion : nous voulons dire Parny. M. Leconte de Lisle — quand l’homme de génie sommeille — aime les ballades pseudo-allemandes comme les Elfes ou Christine, les paysanneries amoureuses comme les Chansons écossaises. » Peut-être, en effet, la romance se retrouve dans Leconte de Lisle, mais alors s’en élargit la définition ordinaire. Oui, on y rêve souvent sur des vers portés par un déroulement si rythmique qu’ils appellent l’intime sourdine de notes d’accompagnement. Il semble, tant les enveloppe une propre harmonie, que les soutient un développement de musique[1]. Comme exemple s’impose ce morceau du Cœur de Hialmar, où ne croit-on pas écouter déjà du Debussy.


Cherche ma fiancée et porte-lui mon cœur.
Au sommet de la tour que hantent les corneilles
Tu la verras debout, blanche, aux longs cheveux noirs.
Deux anneaux d’argent fin lui pendent aux oreilles
Et ses yeux sont plus clairs que l’astre des beaux soirs.
Va, sombre messager, dis-lui bien que je l’aime
Et que voici mon cœur…


L’on ne voit guère à quelles pièces pense M. Spronck, quand il parle du « versificateur larmoyant et poncif ». On peut accorder que les Elfes aient une apparence de ballade : le refrain y aide et sous maintes strophes l’on entend vibrer ce qui en pourrait être l’accompagnement. Mais n’est-ce

  1. Ses poèmes ont souvent inspiré les musiciens. Voir à l’Appendice.