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Il est mort en 1894. Les roses de Louveciennes, avec le souvenir du poète républicain André Chénier, embaumèrent son cercueil. La voix pieuse de José-Maria de Heredia, en une sonorité nombreuse, proclama dignement le génie du poète ; nul autre ne parla du socialiste[1]. Homère et Victor Hugo furent évoqués. Il eût fallu qu’on dît le nom de Milton. Ce n’est point seulement parce que le grand épique de l’Angleterre bouillonna des plus nobles ardeurs républicaines : en haine de la tyrannie, il approuva fortement le régicide, et son horreur de l’oppression se trempa dans le plus ardent amour combatif de la liberté de conscience[2]. Mais quelque précieuse affinité associa ces deux génies puritains ; une poétique exaltation souleva leurs proses polémiques ; en d’analogues crises sociales, ils se ilattèrent des mêmes a chimères » et élevèrent les mômes spéculations ; ils entretinrent la même foi en la puissance de l’idée et s’éperdirent en les mêmes enthousiasmes, une égale haine de l’or et du papisme dressa à une égale sublimité leurs œuvres altières.

Il ne se ménagea point le dernier repos d’individualisme si romantiquement aristocrate de Cha-

  1. C’est seulement à l’inauguration de sa statue que M. Léon Bourgeois, ayant succédé à M. Leygues, parla avec fermelé du républicain.
  2. Autre rapprochement : On reprocha à Millon d’avoir accepté une place sous un usurpateur militaire ; Macaulay repond supérieurement à cette accusation. Au point de vue littéraire, rapprochez de certains tableaux du Paradis Perdu celui de la terre nue et désolée dans le Dernier Dieu : il les rappelle par leur âprelé majestueusement violente, leur force brutale. — Millon avait dans la conversation des mots qui perçaient, coupaient à vif. Un caractère personnel par le sentiment de l’impersonnalité de son génie.